Une restauration par le menu #2

 





Bonjour,

Je suis l'église Notre-Dame de Morthemer. Comme vous les savez, des experts se penchent sur mon état de santé. 

Deux spécialistes m'ont scannée sous toutes les coutures. Moi qui suis pudique et qui ne dévoile pas tout à n'importe qui, j'étais un brin gênée. Mais bon c'est pour me soigner donc au diable (pardon) la pudeur ! 

Maintenant la commission patrimoine de Valdivienne me demande mon carnet de santé. 

Ohlàlàlà ! C'est que j'ai plus de 900 ans, alors ma mémoire me fait quelque peu défaut....et puis à l'époque il n'y avait pas tant de documents que maintenant ! 

Mais bon j'ai essayé de réunir un maximum de souvenirs et de documents pour mon dossier médical :



Ci-dessus, le premier document qui parle de moi. C'est une charte qui est écrite dans le cartulaire de l'Abbaye Saint-Cyprien de Poitiers. Elle a été rédigée en 1 110. Ce qui nous permet de dire que j'ai été construite avant 1 110. 

7 siècles passent sans qu'aucun document ne vienne témoigner de mon vécu. Et mes souvenirs sont très parcellaires. 

Au départ je n'étais pas si grande, je n'avais qu'une nef (le couloir centrale), un chœur qui reposait sur une crypte. Il me semble que ma toiture et mon clocher étaient en bois, mais sans certitude. 

Et puis l'on m'a améliorée au fil des siècles. 

Des fresques ont été peintes. 

Je me souviens qu'avant la guerre de 100 ans (au 14ème siècle) l'on m'a transformée en église fortifiée. J'en garde d'ailleurs un air de force, aujourd'hui. 

Les transepts ont été rajoutées. 

Au 18eme siècle un moine bénédictin , grand historien, me rends visite. Il s'agit de Dom Fonteneau : 



Et nous voici arrivés au 19eme siècle, mon Dieu que le temps passe vite ! 

Ensuite en 1821 j'ai vécu un relifting radical : Une plainte aurait été déposée auprès du gouvernement contre le curé et l'architecte diocésain pour cause de restauration abusive. 



Des témoins oculaires ont vu le grabuge qui a eu lieu à cette période : les deux enquêteurs anglais qui cherchaient la sépulture du Fameux connétable Chandos (ne me harcelez pas, je ne dirais rien même sous la torture).

Voici la lettre de l'enquêteur anglais, le Major Smith : 


Mais aussi la lettre du notaire de Morthemer qui à reçu les enquêteurs anglais :




Entre 1831 et 1911 je reçois la visite d'un archéologue renommé : Le Père de la Croix. Il fait même une esquisse de ma crypte. Malheureusement il ne voit pas les fresques qui sont cachées par les travaux que j'ai mentionnés ci-dessus.

De 1874 et 1911 c'est Emile Boeswillwald qui prend en main ma restauration, et j'en ai grand besoin ! Une chaire magnifique est construite sur mesure pour moi. Ma toiture est refaite. Je précise que Mr Boeswillwald est l'élève de Mr Viollet Leduc (oui oui celui qui a construit la flèche de notre modèle à toutes : Notre Dame de Paris).

Les mondanités n'arrètent plus ! Voici que Mr Déverin, architecte du Patrimoine se penche sur ma bâtisse dans le cadre du classement aux Monuments historiques en 1908. C'est un peu l'équivalent des Oscars pour les bâtiments historiques de France et de Navarre ! J'étais fière mais fière ! 

En 1909 Mr Etienne de Beauchamp, en faisant enlever un bouquet d'arbres dans le jardin du château qui jouxte l'église, découvre les vestiges d'une ancienne chapelle funéraire. C'est ainsi que l'on découvre le Gisant de Renée Sanglier. Un devis de 3.260 Frs est établi et présenté à la commission des Monuments historiques pour les travaux de dégagement de la sépulture.

En 1910 : Mr Déverin relance des recherches pour trouver la sépulture du connétable Chandos. Ah on les a retournés mes dallages ! Mais sans succès ! 

En 1912 : De nouveaux travaux de restauration sont lancés puis interrompus à cause de la Grande Guerre. 

Ce n'est qu'en 1982 que l'on redécouvre les fresques dans la crypte ! 


Sources :

Saint-Cyprien de Poitiers feuillet n°93 (En ligne : Gallica vue 102/136), retranscrit par Dom Fonteneau (Tome 6 page 675 / Bibliothèque municipale de Poitiers : En ligne)

Paysages et Monuments du Poitou par Mr Robuchon - En ligne : Gallica et Récits du temps passé Maurice Maindron

Lettre du Major Smith , enquêteur anglais pour l'affaire du tombeau "Chandos" - En ligne

En ligne : Fonds du Père de La Croix

Archives départementales 86 , 16 J 1 / 354

Fiche Armorial Monumental du Moyen Age en ligne

patrimoine-bm-poitiers : Dom Fonteneau Tome 87 page 221

 



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